Zao Wou-Ki

Zao Wou-Ki Le peintre qui a fait danser l’Orient et l’Occident sur la même toile

Zao Wou-Ki… Rien que prononcer ce nom évoque immédiatement des tourbillons de couleurs vives, des lumières qui semblent venir de très loin et une sensation d’infini. Considéré aujourd’hui comme l’un des plus grands artistes du XXe siècle, ce peintre franco-chinois a réussi l’exploit rare de marier la calligraphie ancestrale chinoise à l’abstraction lyrique occidentale. Et le résultat ? Une œuvre universelle, vibrante, qui continue d’émerveiller les amateurs d’art du monde entier.

Une enfance entre Shanghai et Hangzhou

Né le 13 février 1920 (ou 1921 selon certaines sources) à Pékin, Zao Wou-Ki grandit dans une famille cultivée et aisée de Shanghai. Son père, banquier, et sa mère, passionnée de poésie, lui transmettent très tôt le goût des lettres et des arts. À quatorze ans seulement, il intègre la prestigieuse École des Beaux-Arts de Hangzhou, où il restera six ans. Là-bas, il apprend le dessin académique, la peinture à l’huile, mais aussi la calligraphie traditionnelle et la peinture lettrée chinoise. Deux mondes qui, déjà, cohabitent en lui.

1948 : le grand saut vers Paris

En 1948, à 27 ans, Zao Wou-Ki embarque sur un paquebot avec sa première épouse, Lan-lan, et quelques toiles sous le bras. Direction : Paris, la capitale mondiale de l’art d’après-guerre. Il s’installe rue du Moulin-Vert, dans le quartier de Montparnasse, et fréquente aussitôt les galeries, les ateliers et les cafés où l’on croise Soulages, Hartung, Riopelle ou encore le poète Henri Michaux, qui deviendra l’un de ses plus proches amis.

Des Klee et des signes : les premières années françaises

Au début, Zao Wou-Ki peint encore des paysages, des natures mortes, des portraits délicats où l’on sent l’influence de Cézanne, Matisse et surtout Paul Klee, dont il admire la liberté du trait. Ses toiles portent alors des titres poétiques : « Ville morte », « Le Cerf », « Nature morte aux pommes ». Mais très vite, il sentant qu’il tourne en rond, il décide de tout bouleverser.

La révolution abstraite des années 1950

Vers 1954-1955, le déclic. Zao Wou-Ki abandonne définitivement la figuration. Il brûle même certaines de ses toiles anciennes ! Désormais, plus de maisons, plus d’arbres, plus de personnages : seulement des signes, des gestes, des souffles. Il appelle cette période ses « signes imaginaires » ou ses « écritures ». On y retrouve l’énergie du pinceau chinois, mais explosée, libérée, projetée sur des formats immenses.

L’époque des grandes tempêtes (1959-1972)

C’est la période la plus célèbre de Zao Wou-Ki. Les titres deviennent des dates : 13.04.1963, 29.01.2000… comme pour dire que seule compte l’émotion du moment de la création. Les couleurs s’enflamment : ocres brûlés, bleus profonds, rouges sang, blancs éclatants. Les toiles atteignent des dimensions monumentales (certaines dépassent les 10 mètres de long). On parle alors de « peinture de catastrophe heureuse », tant l’énergie semble à la fois destructrice et joyeuse.

Périodes majeures de Zao Wou-KiCaractéristiquesExemples célèbres
1935-1948 (Chine)Figuration réaliste et lettréeNature morte au poisson rouge
1948-1954 (Paris)Influence Klee, signes légersSans titre (1951)
1955-1959 (période oracle)Passage à l’abstraction, signes19.09.1957
1959-1972 (abstraction lyrique)Tempêtes de couleurs, grands formatsHommage à Chu Teh-Chun – 05.05.2005 (plus tardif mais même esprit)
1972-1990 (encres et aquarelles)Retour à la fluidité chinoise24.03.1985 (triptyque)
1990-2013 (dernières années)Lumière, transparence, sérénité01.06.2006

Le retour à l’encre : une seconde jeunesse

Après la mort de sa deuxième épouse, May, en 1972, Zao Wou-Ki traverse une grave dépression. Il arrête presque de peindre à l’huile. Mais, miracle, il redécouvre l’encre de Chine. Plus légère, plus fluide, plus spirituelle. Les années 1980-1990 sont celles des grandes encres sur papier, souvent monumentales elles aussi. La couleur revient, mais diluée, comme dans un rêve.

Une reconnaissance mondiale tardive mais éclatante

Pendant longtemps, Zao Wou-Ki reste « le Chinois de Paris », admiré par les connaisseurs mais peu connu du grand public. Tout change dans les années 2000. La Chine redécouvre ses artistes exilés, les collectionneurs asiatiques s’arrachent ses toiles, les musées lui consacrent des rétrospectives géantes (Musée d’Art moderne de Pékin 2009, Musée de Taipei 2017…).

En 2018, sa toile 29.01.64 atteint 26 millions d’euros chez Sotheby’s Hong Kong – un record pour un peintre asiatique moderne à l’époque.

Zao Wou-Ki et les très grands formats

Peu d’artistes ont osé comme lui les formats gigantesques. Quelques exemples qui donnent le vertige :

  • 1956 : diptyque de 5 mètres de large pour la Cité universitaire de Paris
  • 1968 : triptyque Hommage à Claude Monet, 2,80 × 10 mètres !
  • 2005 : triptyque commandé par l’Opéra Bastille, 4 × 12 mètres
  • 2008 : décor permanent pour le ballet Le Sacre du printemps de Pina Bausch

Son enseignement et son influence sur les jeunes générations suivantes

Zao Wou-Ki n’a jamais vraiment eu d’atelier ni d’élèves officiels, mais son influence est immense. On la retrouve chez :

  • Chu Teh-Chun et Hans Hartung (amis et contemporains)
  • Les jeunes peintres chinois actuels (Yan Pei-Ming, Li Chevalier…)
  • Toute une génération d’artistes asiatiques qui cherchent à dépasser la dualité Orient/Occident

La lumière des dernières années

Malgré la maladie de Parkinson qui le frappe à partir des années 2000, Zao Wou-Ki continue de peindre jusqu’en 2010. Ses dernières toiles sont baignées d’une lumière presque surnaturelle, comme si l’artiste, sentant la fin, voulait tout offrir. Il s’éteint paisiblement le 9 avril 2013 à Nyon, en Suisse, à 92 ans.

Pourquoi Zao Wou-Ki nous touche encore autant aujourd’hui ?

Parce qu’il a su, mieux que quiconque, exprimer ce que les mots ne peuvent pas dire : le souffle du vent, le poids du silence, la joie d’être vivant. Ses toiles ne racontent pas une histoire, elles nous plongent dans un état. Devant une grande tempête de 1965, on a envie de respirer plus fort, de fermer les yeux, de sourire sans raison.

Deux images emblématiques à retenir

Zao Wou-Ki – 14.12.59 14.12.59 (1959) – l’une des premières grandes abstractions, déjà pleine de fougue

Zao Wou-Ki – Hommage à Tou-Fou – 24.03.1985 Hommage à Tou-Fou – 24.03.1985 – triptyque à l’encre, période de maturité sereine

Conclusion

Zao Wou-Ki n’a jamais voulu choisir entre la Chine et la France, entre la tradition et la modernité, entre la figuration et l’abstraction. Il a tout pris, tout mélangé, tout transcendé. Résultat : une œuvre libre, généreuse, profondément humaine qui continue de nous parler, où que nous soyons nés. Si vous avez l’occasion de vous planter devant l’une de ses toiles, faites-le. Vous en ressortirez forcément un peu plus léger, un peu plus vivant. Parce que, finalement, c’est ça, Zao Wou-Ki : un immense souffle d’espoir peint.

FAQs

1. Zao Wou-Ki était-il chinois ou français ?

Il était les deux ! Né chinois, il a pris la nationalité française en 1964, mais n’a jamais renié ses racines. Il se définissait lui-même comme « un peintre chinois qui vit en France ».

2. Pourquoi ne donne-t-il plus de titres à ses toiles à partir de 1959 ?

Il voulait que le spectateur soit totalement libre de son émotion, sans être guidé par un titre trop narratif. Seule la date reste, comme un journal intime.

3. Quelle est sa toile la plus chère jamais vendue ?

Juin-Octobre 1985, un immense triptyque à l’encre, adjugé 65 millions d’euros chez Sotheby’s Hong Kong en 2022.

4. Peut-on voir ses œuvres en France ?

Oui ! Le Musée d’Art moderne de Paris, le Musée Cernuschi, le Fonds Hélène et Édouard Leclerc à Landerneau et bien d’autres possèdent des pièces magnifiques.

5. Est-ce que Zao Wou-Ki peint encore ?

Non, il nous a quittés en 2013, mais son œuvre, elle, est plus vivante que jamais. Allez voir une exposition, vous comprendrez immédiatement pourquoi

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